Monsieur le Ministre,
Après moultes déclarations d’intention, d’une part sur le dialogue social, d’autre part sur le fait que les enseignantes et enseignants pourraient innover librement et sans contrainte, vous venez de publier quatre notes de service au BO du 12 janvier, dont l’objectif est de rompre avec les programmes nationaux et de renforcer le contrôle des pratiques enseignantes.
Vous démontrez là que vous vous inscrivez dans la ligne de votre prédécesseur : resserrement sur les fondamentaux et prescriptions auprès des professeurs des écoles. Après un quinquennat focalisé sur le CP-CE1, c’est au tour de la maternelle et des classes de CM1-CM2 de subir les injonctions ministérielles. C’est d’abord tout un système de pilotage et de contrôle que vous élargissez, avec les Conseils Académiques des savoirs fondamentaux, conduits par les rectrices ou recteurs. Ces conseils auront pour missions « le pilotage de la priorité donnée aux fondamentaux » en s’appuyant sur les résultats des élèves aux évaluations nationales, afin de prescrire des outils, des supports, des démarches et des pratiques qui auront été jugées efficaces.
Une autre note énonce des préconisations pour le cycle 3, en rupture avec les programmes et leurs ambitions, resserrant les apprentissages sur des « fondamentaux » et faisant la part-belle aux apprentissages de plus bas niveau (aspects formels de l’écrit, fluence confondue avec la lecture…) selon des modalités rétrogrades, voire réactionnaires. Elle érige les évaluations nationales de CM1 et 6ème en outils de référence du projet pédagogique de cycle, et ouvre la possibilité d’une intervention des PE en collège pour assurer la maîtrise des dits « fondamentaux ».
Une autre note cadre un plan maternelle qui restreint drastiquement l’ambition assignée à cette école première, faisant des évaluations nationales la référence pour la GS. Bien que le programme stipule cinq domaines d’apprentissage, la note de service n’en mentionne que deux : le langage et l’enseignement des mathématiques. L’objectif est de préparer les élèves aux évaluations standardisées qui, rappelons-le, sont fortement remises en cause par la profession et tout un pan de la recherche. Rappelons que plusieurs intervenants à la conférence du CNESCO en novembre ont démontré que les évaluations normatives aggravent les inégalités scolaires. Ce plan permet la comparaison des résultats de ces évaluations sous couvert de travail sur le projet d’école et instruit un pilotage des maternelles par « un conseil des directeurs » sous l’égide de l’IEN. Quel mépris pour les collectifs de travail que sont les conseils des maîtres et maîtresses !

Si quelques éléments positifs sont présents, comme les formations intercatégorielles en maternelle, ces notes ouvrent la voie à des dégradations encore plus fortes de nos métiers et de la scolarité des élèves.

Or, c’est d’une autre politique éducative dont a besoin l’école pour agir sur les inégalités. Loin de réduire les apprentissages à des « fondamentaux » étriqués, c’est l’ensemble des programmes qu’il faut enseigner. Et c’est en renforçant la professionnalité des enseignantes et des enseignants, en leur faisant confiance et en les soutenant réellement, que le système éducatif peut progresser. Il faut mettre un terme à ce pilotage par les évaluations qui montre depuis 5 ans qu’il ne mène qu’à l’aggravation des inégalités scolaires. C’est en ce sens que nous vous avons écrit le 13 janvier dernier.
A rebours de votre politique, il est nécessaire de reconstruire des réseaux d’aides complets avec des personnels spécialisés, de recruter des enseignantes et enseignants remplaçants, de donner enfin les moyens pour une inclusion de qualité, de restaurer les « plus de maîtres que de classes », de former et rémunérer davantage les PE…C’est à ces conditions que l’école pourra remplir sa mission de faire réussir tous les élèves.

A l’opposé de cette ambition, vous avez décidé de supprimer 1177 postes à la rentrée prochaine dans le premier degré, une première depuis 2012, alors même que les effets de la crise sanitaire n’ont été pris en compte d’aucune manière. Dans les départements, la carte scolaire risque d’être sanglante et des classes vont fermer partout, les conditions d’enseignement vont être dégradées.
Par ailleurs, alors que vous aviez annoncé un "choc d’attractivité", les PE ont aujourd’hui perdu l’espoir d’être considérés comme de véritables professionnels et d’être revalorisés à leur juste valeur. Alors que le temps de travail des enseignant.es est déjà particulièrement lourd, « le travailler plus pour gagner plus » avec notamment l’annonce des PE qui devraient intervenir au collège, est une provocation que nous ne pouvons tolérer.

Le fossé continue donc de se creuser entre le ministre et le terrain.

Le SNUipp-FSU s’oppose à cette politique éducative néfaste pour le système éducatif et engage les enseignantes et les enseignants à exercer leur liberté pédagogique dans le cadre des programmes en vigueur depuis 2015.

Déclaration au CSE du 26 janvier 2023

Déclaration FSU au Conseil Supérieur de l'Education (CSE) du 26 janvier 2023